La place rouge n’était pas vide...
Résumé cyclo-pédalistique (kilomètres parcourus: 4594 km; kilomètres pédalés:
2047 km; collecte pour Handichiens: 465
€, soit une oreille du chien un peu plus grande !) :
06 au 10/07:….. Moscou
Arrivés au port et après avoir fait nos adieux à l'équipage du Maxim Litvinov, nous embarquons le vélo dans un taxi-van qui nous mène à l’Hostel Suharevka, à 30
minutes du Kremlin et de la place Rouge. C’est probablement le seul argument en
faveur de ce « lieu d’accueil ». L’hostel est situé au 4ème étage
d’un immeuble sans aucun charme, où l’odeur de moisi prend à la gorge dès qu’on
franchit le pas de la porte.
Malgré un site Internet dithyrambique et trompeur, l’accueil
est froid, nous croisons les fantômes muets qui y sont hébergés, qui ne daignent même pas accuser réception des
quelques formules de politesse élémentaires que nous leur adressons ! Les visages sont fermés, il nous paraît
impossible de les dérider, même par les quelques mots de russe que nous leur
adressons, et nous ne tarderons pas à nous faire une raison. De surcroît, il règne
une chaleur étouffante dans la « chambre privative » minuscule que
nous occupons, et dans laquelle nous entassons notre matériel avec peine. Sans
parler de notre Camel Bike, qui a bien du mal à se trouver une place, sous le
regard hostile des occupants. De notre chambre, nous entendrons jour et nuit le
vacarme à peine assourdi par les fenêtres, des voitures qui circulent souvent à
tombeau ouvert, sur l’avenue à 8 voies que nous surplombons.
Mégalopole de plus de 10 Mons
d’habitants, Moscou est une ville de pierre blanche aux innombrables coupoles
dorées, qui cohabitent avec des immeubles futuristes.
(photo prêtée par notre guide de Moscou by Bus) |
(photo prêtée par notre guide de "Moscou by Bus") |
(photo prêtée par notre guide de Moscou "by Bus") |
Construite dès 1147, elle
est depuis longtemps le siège de tous les pouvoirs : l’Etat et l’Eglise
Orthodoxe. Fascinante mais inquiétante,
trépidante et irritante, l’ambiance qui y règne est étourdissante, il est
difficile d’y trouver des hâvres de paix pour s’y arrêter. De toute évidence,
peu de place est laissée aux piétons et aux cyclistes.
Quelques passages
souterrains permettent de franchir les carrefours, mais si difficilement accessibles
qu’il ne nous paraît pas envisageable
d’y pénétrer avec notre vélo, et encore moins de circuler avec sur les boulevards.
Sinon, le jeu consiste à trouver le passage pour piétons adéquat, à lire le
temps alloué sur les panneaux lumineux qui en font le décompte et à les
franchir au pas de course pour ne pas se retrouver plantés au beau milieu du
flot incessant de voitures peu préoccupées de la présence d’homo pietonibus ou
d’homo cyclopedus. Nous rencontrons au hasard des rues ou du métro, de jolies
moscovites, haut perchées sur des talons (très) hauts et moulées dans des jupes
souvent (très) courtes, fort peu adaptées à franchir les différents escaliers
ou trottoirs qui ne manquent pas dans cette ville !
Capitale « aux quarante fois quarante
églises », la couleur des dômes en signifie la destination votive :
l’or pour le Christ et les 12 apôtres, le bleu et les étoiles pour la Vierge
Marie, le vert pour les églises dédiées à la Trinité, l’argent et
éventuellement le vert pour celles spécifiquement dédiées à un saint.
Certaines églises dérogent à la règle dans une profusion de couleurs qui les font ressembler à une grosse glace multi-cônes!!
Les
icônes et leur codification qui nous est étrangère, composent l’essentiel de la
décoration des églises orthodoxes.
Essentiellement sur planches de bois, on les
trouve aussi sous forme de fresques ou des mosaïques délicates, à l’égal de
celles décorant les mosquées des pays musulmans. On trouve aussi de nombreuses
reliques qui font l’objet de vénération de fidèles qui viennent s’incliner
devant elles selon un rituel lui aussi codifié.
Par prudence, nous effectuons dès notre arrivée
une reconnaissance du parcours que nous aurons à faire de notre hostel jusqu’à
la gare, lorsque nous repartirons. Cette opération s’avèrera fort utile,
d’autant plus que nous n’envisageons en aucune manière, de rouler avec le vélo
sur ces boulevards pour nous rendre à la gare. Par la même occasion, nous nous
préoccupons de la logistique du train , et notamment des conditions de prise en charge des
bagages. L’opération s’avère délicate, d’autant plus que dans la gare de
Iaroslav, l’une des principales de Moscou où passent des dizaines de miliers de
passagers, nous ne trouverons aucune explications autre qu’en russe !
Autant dire que trouver un employé pouvant comprendre trois mots d’anglais
s’avère être mission impossible. Nous passons 2 heures, à aller de guichet en
guichet, dans l’espoir de glaner quelques informations, espérant en vain
trouver quelques communicants, tombant souvent sur des visages fermés et
sombres qui peuvent s’ouvrir pour venir à notre aide. Sylv’ fait appel à tous
les moyens, y compris des petits dessins ou des schémas. Heureusement, nous
finissons par réunir un certain nombre d’informations incomplètes mais
satisfaisantes. Aujourd’hui c’est son anniversaire que nous fêtons autour d’un
verre de bière et de petits pâtés au café Pouchkine!
Le marché de l’art et de l’artisanat est une curiosité étrange. Sous des allures de Dysneyland, ce marché aux puces renferme des milliers d’échoppes où se vend un bric à brac d’objets allant de reliques de l’ère soviétique et de la guerre froide, à des babioles insipides en passant par les incontournables matriochkas et les chapkas de l’armée rouge !
Ce marché est intéressant pour son
échantillon d’architecture russe en bois qui couronne cette place de marché.
C’est sous un orage féroce que nous en parcourant les allées un peu trop
rapidement à notre gré.
Nous allons en bus à l’aéroport, ce qui nous
donne l’occasion de rencontrer Ilya, quinquagénaire gestionnaire financier dans
un cabinet conseil, qui s’adresse timidement à nous dans un français parfait et
un langage châtié. Il a pris le goût du français avec un professeur amoureux de
notre langue, qui faisait découvrir à ses élèves la langue de Voltaire en leur
faisant écouter… des sketches de Raymond Devos ! Nous récupérons Christian, quelque peu décalé !, son vélo ainsi que tous ses bagages que
nous engouffrons dans un grand taxi.
Nous rencontrons alors notre ange gardien Vicka,
amie russe de Hugo, connue au Kansas. Elle veillera sur nous avec beaucoup
d’attention durant tout notre séjour moscovite.
Avec elle, nous visitons la
Place Rouge et le Kremlin, énorme ville forteresse, ensemble grandiose bâti sur
les rives de la Volga, reconstruit plusieurs fois au fil des siècles.
Un garde du Kremlin |
On prend
toute la mesure de sa dimension et de la multiplicité de ses monuments en
longeant les berges de la Volga. La vue d’ensemble est plus intéressante à
notre goût que la visite par l’intérieur.
Nous ne rendons pas visite au Camarade Lénine. Son corps embaumé est maintenu en état par une ex-société d’état créé par
un chimiste du temps des soviets et qui détient un procédé ultra secret d’embaumage.
Maintenant privatisée, elle propose à tout un chacun la même opération pour la modique
somme de 1 Mons de dollars ! En voyant les énormes voitures de
luxe qui sillonnent la ville, on se doute que les clients ne doivent pas
manquer pour cette juteuse affaire.
La galerie du grand magasin GUM, situé sur la
Place Rouge, surmontée d’une magnifique coupole en verre, réunit entre autres,
toutes les grandes marques de prêt à porter. Il était le rendez-vous de toutes
les élégantes du XIXéme siècle et le premier du
genre, bien avant les grands magasins parisiens.
Quelques cousins russes de notre Camel Bike
Nous déjeunons à la
« Cantine 57 », la cantine des « Camarades », où pour une
somme modique, un excellent repas peut être servi, et dont nous nous délectons
d’autant plus !
Le métro de Moscou, datant de 1935, comprend
actuellement 12 lignes, dont 2 en prolongation. Il transporte chaque jour la
bagatelle de 7 millions de passagers, dont certains nous poussent, nous tirent,
nous compriment, nous soutiennent et ont bien failli nous écraser comme des
mouches lors de la sortie…. Bref une expérience intense de transports en
commun, assez unique. Destiné par Staline, le « petit père des
Peuples », à devenir le palace du peuple (laborieux et asservis
copieusement par le parti NDLR soucieux
de son bien être!). Un grand nombre des stations du métro sont des œuvres
d’art, d’un art fortement codifié où se sont révélées toutes les
disciplines : ferronnerie, faïence, bronze, stuc, vitraux… exaltant les
vertus du socialisme de la période soviétique au travers de figures
allégoriques : ouvriers, mineurs, soldats et marins, sportifs,
intellectuels, musiciens, danseurs…
Une petite galerie de photos vaut mieux que de longs discours
On ne
peut rester insensible à cet art mis au service de l’immense réforme
entreprise pour la création de l’URSS il y a 60 ans. Il est intéressant de porter
un autre regard sur le côté dogmatique et stéréotypé des personnages, mettant
en avant les valeurs du socialisme, au travers de postures exaltées et
convenues et de s’interroger sur la batterie d’outils pouvant être mise au
service des dictatures d’hier, d’aujourd’hui … et de demain !,
fussent-elle celle du peuple. (ça, c’est pour le côté philosociointello du
blog !).
Et en plus, ça porte bonheur |
Petit passage à la Poste Centrale !, que
nous finissons par trouver au fond d’une cour d’immeuble, et à qui nous
confions quelques kilos de documentation à retourner en France.
Pour nous reposer de la frénésie de la ville,
nous allons avec Maman Vicka, visiter le couvent de nonnes de Novodenicky,
vaste forteresse devant laquelle Tolstoï situe une scène de patinage de Anna
Karenine. (côté culturel cette fois !). Cheminer dans ce couvent nous
remplit de sérénité, en parcourant ses allées au bord desquelles sont enterrés
nombre de personnages historiques de Moscou.
Contents de l’avoir vue, c’est sans regrets que
nous quittons cette mégalopole stressante et inqiétante, en allant prendre le train à la gare de Iaroslava.
Avant tout, il va nous falloir passer 2 épreuves initiatiques pour tout voyageur embarquant sur le Transsibérien : la pesée des bagages et le conditionnement du matériel.
La photo souvenir devant le camarade Lénine |
Avant tout, il va nous falloir passer 2 épreuves initiatiques pour tout voyageur embarquant sur le Transsibérien : la pesée des bagages et le conditionnement du matériel.
Pour la première étape, nous devons surmonter
une montagne (ou un abîme, selon le point de vue où on se place !) d’incompréhension,
en la personne de « Weight Watcher », dragon grincheux, puis
vociférant, en charge de l’opération, et cachée comme il se doit derrière
l’inénarrable hygiaphone à la mode soviétique que nous avons maintes fois
rencontré dans les lieux publics depuis notre arrivée dans la zone d’influence
de la période soviétique..
N.D.L.R: le lieu étant un lieu top-secret, les photos ci-dessus ont été prises au péril de nos vies. Quant à photographier l'agent (double) dont il est fait mention ci-dessus, il ne nous a pas paru prudent de tenter de lui tirer le portrait, au risque de déclencher un incident diplomatique Franco-Russe! De surcroît, nous ne sommes pas sûrs que notre ambassadeur/vendeur de cuisine/ministre de la culture d'une ex-république soviétique/ national (nom de code G.d.P) ne nous sera d'un grand secours, compte tenu de ce que nous avons écrit sur lui dans un précédent article du blog sur notre passage à Saint Petersbourg!
Description brève du dispositif: mûrement conçu pour la bureaucratie qui a caractérisé cette époque : mettre le requêteur dans une situation la plus inconfortable possible pour formuler sa demande auprès de l’agent-bureaucrate détenteur de l’information, (donc du pouvoir !): courbé, l’oreille collée à la vitre, sans vue directe sur le dit agent, qui marmonne avec parcimonie les informations que le requêteur doit reformuler humblement si le temps lui en est laissé par l’agent en question. Autant dire que dans notre cas, notre cause est perdue dès la première seconde où nous avons tenté de marmonner quelque-chose. Une muraille d’incompréhension tombe entre Weight Watcher et nous ! Heureusement Artur, aimable passant que Sylvie est allée chercher dans la rue après quelques tentatives infructueuses, vient à notre secours et sert d’intermédiaire et d’opérateur avec le dragon pour nous expliquer les opérations à effectuer, pendant que les ouvriers mongols du chantier voisin examinent avec un peu trop d’empressement notre Camel Bike.
Après une heure environ, nous quittons l’antre
du monstre, avec en main le précieux petit papier attestant que nous avons
acquitté les 120 roubles (3 euros !), pour les 90 kilos de bagages (hors
vélos dont le transport est gratuit !). Logique d’une administration aux
arcanes inconnues d’elle-même. Fin de la première épreuve initiatique, début de
la deuxième : l’emmaillotage de tout notre matériel afin de lui permettre
de rentrer dans les coffres et filets de notre compartiment. Contre toute
attente, l’opération se déroule dans le calme et la sérénité. Sylv court les
magasins aux alentours de la gare à la recherche de Scellofrais®
pour protéger nos bagages, et de Scotch® pour les transformer en
momie. Au bout d’une heure et demie, les vélos ressemblent à des vers à soie,
que nous allons confier aux porteurs de la gare.
Grâce encore à Vicka, notre
ange gardien qui nous a rejoints, nous pouvons alors attaquer la négociation
avec les porteurs à qui nous confions notre précieux chargement. Nous
approchons du but, en arrivant au pied de notre wagon, où le cœur battant, nous
attendons le verdict du Provonitsy qui finit par nous accepter à bord du train
avec armes et bagages.
Nous sommes enfin en route pour la Sibérie. A ce
moment précis, alors que nous commençons à rouler, nous réalisons que nous
venons de franchir une autre porte du Voyage, celle de la Sibérie et de ses
mystères. L’un et l’autre, l’émotion nous gagne, et nous parvenons avec peine à
la contenir, non sans une pensée pour ceux qui empruntèrent ce chemin pendant
des décennies maudites, contraints et forcés, pour rejoindre les camps de
travail du Goulag, déportés par une immense
machine à broyer créée une fois de plus par l’Homme pour soumettre son
égal.
Bien heureux de voir les premières photos de Christian parmi vous! Tout va ...au mieux, semble-t-il ;-).
RépondreSupprimerNous attendons le prochain récit avec impatience!!!
Courage!
La bise.
Karine et Valérian.
Chers SylHub,
RépondreSupprimerUn grand merci pour le descriptif de votre périple .Les commentaires sont mieux faits que sur un guide touristique .Nous dévorons des yeux les splendides photos que vous pouvez prendre .La canicule de Saint Petersbourg est maintenant chez nous .Nous apprécions la façon dont vous relatez vos impressions quant aux personnes rencontrées .Bises
Elizabeth et Gilbert
Je suis vraiment fan de ces bâtiments façon pièce montée. Ca doit mettre un peu de couleurs et de fantaisie dans cette ville que j’imagine plutôt grise et massive.
RépondreSupprimerCet article, outre me faire voyager à l'autre bout du monde tout en restant assise à mon bureau, me rappelle aussi que malgré mon jeune âge j'ai la mémoire qui flanche. Même si je suis impardonnable, je tiens, Sylvie, à te faire mes plus plates excuses et à te souhaiter un très bon anniversaire.
J'espère que malgré l'austérité de ses grandes villes et de ses rues peu cyclophiles, vous avez bien profité de ce séjour russophone pour lequel vous avez passé tant de nuits blanches. Vous en parlez depuis si longtemps que je suis étonnée qu’il en arrive déjà à sa fin. A cette allure (et sans petit moteur !) ce n’est pas en Asie mais en Jordanie que l’on va fêter Noel !
Je vous embrasse,
Cécé
Hubert, vous auriez pu mettre des photos des moscovites que vous décrivez. Comme cela, par curiosité touristique
RépondreSupprimerBon périple
JG Lévrier
Bonjour Sylvie et salut Hubert,
RépondreSupprimerMa grand-mère est russe et franchement elle est plus sympa que la mégalpôle.
Les fest'arts ont commencé et les clés des chambres d'hôte ont bien été remises à leurs arrivants. Nous ne doutons pas de voir un beau spectacle samedi dans notre ville d'origine.
Plein de bonheur à vous deux dans ce beau voyage.
Cédric et Marion.