samedi 22 février 2014

Cambodge la jungle sacrifiée




ជំរាបសួរ   SOOU-SDEY (Bonjour, en khmer !!!)
Résumé cyclo-pédalistique (kilomètres parcourus: 24282 km; kilomètres pédalés: 7297 km; collecte pour Handichiens: 1915 €, soit la tête complète ! Le chien commence à prendre du poil de la bête. Les pattes devraient suivre ! (Objectif : 15000 euros, correspondant à la formation complète d’un chien accompagnant)
29/01:…..de la frontrière du Cambodge à Stung Treng  
Côté Cambodge, passage de la frontière au poste « quarantaine » : petit questionnaire médical, prise de température frontale, proposition de test malaria. Paiement : 2 USD. On remplit un premier questionnaire, on paie le visa (1000 Baths, ou 250 000 Kips, ou 25 USD), puis on remplit une fiche d’entrée/sortie et on obtient le tampon !


le poste frontière moderne mais non opérationnel


le poste frontière dans le style local mais opérationnel



Nous roulons sur la « Nationale 7 », déserte, qui traverse le Cambodge en longeant plus ou  moins le Mékong, pendant 60 kilomètres, dans un paysage de forêt broussailleuse, desséchée, où des feux sont allumés çà et là, sans crainte apparemment de voir un incendie se propager malgré le vent.
Les agriculteurs pratiquent l’essartage, ou culture sur brûlis, une méthode traditionnelle pour permettre aux herbages de repousser plus rapidement pour les troupeaux, mais aussi pour marquer leur territoire et échapper à l’expropriation. Cette technique donne aussi l'occasion à des entrepreneurs très peu scrupuleux! de faire couper les grands arbres et de les revendre pour leur propre compte. Ils partent ensuite vers le Vietnam, la Chine ou ....en fumée.  Par ailleurs, suite à une économie dévastée par trente ans de guerre, il y a eu une tentative de reconstruction au travers de la mise en place d'une exploitation commerciale de la forêt, celle-ci étant une ressource inestimable et disponible. Il faut aussi prendre en compte que le gouvernement et la société civile ont cherché une alternative en engageant les communautés rurales dans le management et la conservation de la foret. Le Cambodge arrive à un moment crucial. Il lui faut faire un choix équilibré entre d'une part  la sauvegarde de la forêt et des milieux naturels en conservant les terres et les zones protégées, tout en organisant une exploitation raisonnée et durable, et d'autre part l'attribution de concessions minières et commerciales à des tiers pour des plantations industrielles. Ces deux alternatives entrent en compétition. La corruption sournoise et latente fait craindre que l’intérêt particulier passe devant l’intérêt general. 
Très peu d’habitations, si ce n’est quelques rares cabanes faites de trois planches et de quelques bâches. Mais de quoi peuvent donc vivre ces familles ?


 
Pas l’ombre, d’un puits, d’un petit potager, ou d’une culture quelconque.

















 Et pourtant, une machine ambulante à décortiquer le riz passe dans la campagne pour proposer ses services.  













Nous traversons un ou deux petits villages pour arriver à Stung Treng. Comme au Laos, les « Tak Tak », sorte de motoculteurs tirant une remorque,  transportent familles et marchandises et sont aussi utilisés pour leur fonction première qui est le labour des rizières.  











Nous rencontrons deux jeunes voyageurs français, Coralie et son copain, avec lesquels nous partageons nos expériences respectives et de bons moments autour d'un bon dîner.. 















 

 30/01:….. Stung Treng 
Le Nouvel An Chinois se prépare dans les maisons : les petits hôtels sont décorés d’offrandes, dans de petits foyers sont brûlés des papiers d’ex-voto et de minces feuilles d’or. Notre cher Camel Bike trône au beau milieu de la salle à  manger, devant la table offerte aux ancêtres qui protégent la maison! 





Le grand marché, est différent de ceux du Laos, et semble confirmer qu’ici la vie est encore plus précaire. En ville, les femmes ne portent pas de costumes traditionnels, mais de jolis bonnets ou chapeaux de toutes sortes et de toutes couleurs. Dans ce marché, les femmes passent leur journée au dessus de leurs étals, paisiblement bercées dans leurs hamacs! Elles portent très souvent, et à tous moments de la journée, de jolis pyjamas colorés, alors qu’au Vietnam, elles ne le portent qu’en fin de journée. Comme partout aillleurs, un très riche choix de légumes et de fruits.



 





 Même les filets de pêcheurs sont joliment présentés, en de grandes tresses multicolores

La présentation des nouilles aussi, est esthétique

les éternels "dumplings"







Une vendeuse suspendue au dessus de son étal, son bébé dormant lui aussi dans un hamac  












Dans le secteur des tissus et des habits, c'est une palette de couleurs gaies qui s'offrent à nos yeux : grand choix de pyjamas et chapeaux 
 




Autres métiers
Vendeur et réparateur de pneus joliment emballés
Bijoutière en pyjama


"Fabricant" de jus de canne  sucre
Pédicure manucure
 plantes et bonbons





Vêtement de cérémonie




Le très fameux "tuk tuk" pour le transport de passagers et/ou de marchandises
Dans de petits dispensaires, les gens viennent pour recevoir des perfusions. Certains repartent avec la perfusion, sur leur moto, d'autres resteront la nuit, sous une moustiquaire pour ne repartir que le lendemain.















Surprise : les prix sont indiqués en dollars et l’A.TM. local ne délivre que le billet vert. On se rend compte alors qu’ici, comme à Cuba le Dollar est roi. 
Dans la rue de petits groupes, assis à même le trottoir, fêtent joyeusement le nouvel an chinois et nous invitent au partage.





Certains sont même venus en bateau des îles ou des rives du Mékong



 

Rencontre de deux couples de cyclistes septuagénaires, respectivement Suisses (en Pino) et Hollandais, au palmarès impressionnant.







Nous dinons dans un restaurant installé dans une belle maison Khmère, qui dispense une formation à des jeunes en difficultés (anglais, informatique, hôtellerie, cuisine et jardinage). Ce genre d'institution se retrouve beaucoup au Cambodge, où les structures étatiques ne sont pas en mesure ou disposées à prendre en charge ces jeunes



Coucher de soleil enchanteur aux couleurs irréelles


31/01:…..vers Ban Lung 
Nous partons au cœur de la région de Ratanakiri, à quelques encablures de la frontière vietnamienne, au pied de la Cordillère Anamitique, où subsistent de grandes forêts en zone (théoriquement!) protégée par des parcs nationaux et par la police.
















Peu d’habitations, quelques villages seulement le long de la route. De grandes plantations d’Hévéas (souvenir du protectorat français), sont maintenant peu à peu remplacées par de jeunes plantations, au détriment de la forêt et de la jungle qui reculent visiblement dans le paysage
 

quelques rizières asséchées,, de grands champs de Manioc, quelques marécages, de la forêt.
 La ville de Ban Lung est très animée, et un marché se tient sur la place entourée de maisons de style colonial.
Le marché est immense, et particulièrement sale, les allées sont encombrées de détritus, des tas d’ordures sont amoncelées le long de la place, les éboueurs sont à la peine pour ramasser une telle quantité. Les mouches tournent autour de la viande et du poisson, malgré les éventails qui les chassent.




 De nombreux fruits et légumes, et comme toujours, chaque spécialité occupe un secteur particulier.
Lychees

tamarin









 Les marchandes se balancent nonchalamment dans leur hamac, ou trônent fièrement au centre de leur petit étal. 


 
Malgré la précarité et la pauvreté qui se dégagent, les sourires nous saluent derrière une curiosité bienveillante. Nous voyons apparaître des femmes voilées de la population musulmane originaire du Cham jadis situé au Sud du Vietnam voisin. 
















Toujours beaucoup d’enfants, le Cambodge étant un pays jeune 


 

Bien que la scolarité soit obligatoire nous constatons que de nombreux enfants, même très jeunes travaillent : aux champs, sur les marchés, dans les magasins, sur les sites touristiques.

1/02:…..Ratanikiri
Le Ratanakiri est une région montagneuse située au Nord-Est du Cambodge. Assez enclavée, peuplée pour l’essentiel d’ethnies « proto-indochinoises » dont le mode de vie est resté pratiquement inchangé depuis la préhistoire:  Kreung, Tampoun, Jarai, Brou, Katcha (minorités). C’est une zone de hauts plateaux, où alternent jungle et forêts claires, et qui est l’un des derniers refuge d’animaux sauvages du Cambodge : ours malais, tigres, sangliers, gaures, aigles pêcheurs, éléphants. Ici s'étaient réfugiés des montagnards peu à peu repoussés vers ces hauts plateaux par des envahisseurs venus du Nord. Bénéficiant d'un statut particulier accordé par les Français, quand la guerre éclata ils choisirent de se battre à leurs côtés contre les Vietnamiens afin de sauvegarder leurs terres. Abandonnés par les Français lors de leur retrait, ils durent ensuite se battre contre les Vietnamiens pour finir par être littéralement massacrés après la prise de pouvoir par les Khmers rouges malgré leurs appels au secours à la communauté internationale. 
Riche en chutes d’eau et lacs la région nous est présentée par Smeil, un guide local fort sympathique qui accepte avec bonne humeur de répondre à nos multiples questions sur son pays et sa région. Il se fait notre intermédiaire pour interroger toute une famille de l'éthnie Kreung, qui récolte le manioc. Toute la famille est au travail, jusqu'à la dernière à peine "agée" de 3 ans, qui épluche très consciencieusement sous nos yeux ébahis, les racines avec un épluche légumes.
Le déterrage des racines de manioc


Outil universel rudimentaire






Il nous apprend que les grandes plantations de noix de cajou, d’hévéa, de manioc de café et de poivre sont vendues à de grandes compagnies privées, grâce à la collusion du gouvernement et de ses fonctionnaires, qui y trouvent un intérêt personnel au détriment à la fois des petits agriculteurs, des tribus de la forêt, et aussi de la forêt elle-même, et de la jungle qui subissent un déforestation dramatique et sans précédent. 

Plantation de café  une légende
















Détour par des cascades et un lac où se retrouvent  les habitants de Ban Lung pour les congés liés à la fête du Nouvel An Chinois.


Un musicien aveugle essaie de glâner quelques sous

Pique-nique familial



Des enfants ramassent les canettes en alu pour récupérer un peu d'argent en les revendant

New Look Woman!


Chevelure d'arbre!!





2/02:…..Dans la jungle
Une piste en latérite, nous permet de pénétrer dans le Parc National de Virachey. L’extrême précarité des cases et les conditions de vie des familles qui vivent le long de la piste nous met le cœur en berne…



La région est appelée « pays rouge » et on en comprend vite la raison. Les maisons, la végétation, les gens, sont couverts de poussière rouge et la circulation augmente. Notre guide nous confirme que les problèmes pulmonaires sont fréquents. 









 On retrouve devant certaines maisons des petites cases de mariés où les jeunes filles retrouvent leur amoureux pour un « mariage à l’essai ». 

Tout autour du lac, les familles sont regroupées, pour pique-niquer, jouer aux cartes, écouter de la musique, bavarder ou regarder un groupe de danseuses et de musiciens d'une ethnie de la région.






 
















A l'entrée du parc théoriquement protégé une entreprise exploite et collecte le bois prélevé de façon illicite dans la jungle, pour le vendre en Chine et au Vietnam, le tout dans la plus grande discrétion (lors de notre passage le portail est rapidement clos afin que nous ne puissions pas prendre de photos). Une fois encore, intérêts privés contre intérêt général grâce à la collusion de personnages bien placés.
La jungle et les habitats traditionnels reculent ainsi, même dans ces zones protégées, et une inquiétude certaine se fait sentir, car les populations voient leur milieu de vie menacé. Leur capacité de vie et de survie dans cet environnement en proie aux spéculations, est grandement hypothéquée. 
Le chauffeur klaxonne souvent sur la piste : beaucoup de conducteurs Cambodgiens n’auraient jamais appris à conduire, et n’auraient par leur licence. Rassurant pour la suite de notre périple ! 
Un petit bateau nous fait remonter la rivière qui irrigue la région venant du Vietnam, jusqu’à un village de la minorité ethnique Krueng). 


































Nous pénétrons pour deux jours dans la jungle avec notre guide Boun Hom, et un ranger issu de la minorité. 

Sylv, comme au  temps de la Coloniale!

Notre guide


Après quelques heures d’une marche commando derrière notre ranger, qui marche en Tongs, avec un chargement phénoménal sur le dos (légumes, gamelles, pain, œufs..) pour assurer le dîner et le petit déjeuner du groupe. Nous atteignons notre coin de campement au bord d’une cascade. Bonheur d’un bain dans une eau transparente et fraîche au cœur de la Jungle, peuplée de petites bébêtes qui ont fait leur trou pour pouvoir attraper leur pitance!. 

Piège d'araignée









Un grand serpent .... de bois

























Belle soirée au coin du feu où les guides ont fait cuire les légumes dans un tronc …de bambou, ont taillé des pics …en bambou pour les brochettes et de petits gobelets pour le thé.

Dans les bambous, le repas du soir



La machette Khmer, un outil à tous faire

Prête pour une nuit sous les étoiles

Toujours prête à lever le coude!!! (mais il ne s'agit que de "water wine")

 Les hamacs moustiquaires sont installés sur des supports ... en bambou. En Asie du Sud-Est, le Bambou est omniprésent et sert à tout.   Bel échange émouvant avec notre guide, sous les étoiles : il nous parle volontiers de l'histoire dramatique de son pays, des multiples guerres, notamment sous Pol Pot et les Khmers Rouges qui l’ont obligé, alors qu'il était étudiant à se cacher au bord de la rivière pour échapper à leur sauvagerie aveugle, des agressions par les pays voisins « bienveillants", et maintenant le pays à la dérive notamment à cause de la corruption....


3/02:…..Dans la jungle
Traversée de ruisseaux à gué, grimpettes bien raides dans cette forêt très sèche, puis traversée de rizières en paille à l’approche du village. 

Pour remercier les esprits de la récolte de riz





















Une école, mais pas d’enseignant disposé à venir travailler dans ce village de 500 habitants où grouillent les enfants .




























  
Une maison commune sert à organiser la vie de la communauté, et le chef est choisi par l’ensemble des villageois (par forcément le plus âgé, mais un jeune qui parle Khmer, et pourra être l’interlocuteur des autorités). Dans tous les cas, la "Women Spirit" (femme âgée, douée de don chamanique), est consultée. Elle est l’interlocuteur avec l’esprit des ancêtres, qui l'inspirent . Elle procède à toutes les cérémonies, dont notamment aux enterrements dans le petit cimetière que nous visiterons avec son autorisation. 


Les cornes d'un buffle récemment sacrifié pour un enterrement
Dans ce village, les femmes sont "au four et au moulin" et font d'incessants aller-retour à la rivière. Le projet 'I am a girl" tente de faire reconnaître leur droit à l'éducation et leur place dans la communauté

Le femme de notre guide finissant de préparer le repas, le guide ayant apprêté les légumes


Aujourd'hui le camelot ambulant passe pour vendre des vêtements
 Le cours de la vie est réglé par le conseil du village, qui fixe entre autres, le cours de la vente du poisson et de la viande qui est affiché dans le village


Chaque minorité a sa propre langue orale (pas d’écrit), et ne parle pas Khmer. Les puits, pompes et filtres installés par l’Union Européenne ou d’autres donateurs (Japon…) ne fonctionnent plus, faute de moyens pour assurer la maintenance courante.Ceux qui ne servent plus faute de maintenance sont remplis par… les ordures. 

Le puits et sa pompe à main (le système qui semble le plus fiable)
Le filtre associé (qui doit être régulièrement entretenu)

Un des puits remplis ar les déchets

Allées et venues incessantes vers la rivière, qui sert de source d’approvisionnement pour tous les usages y compris la cuisine. Un barrage situé au Vietnam en amont, menace la vie le long du fleuve, la plupart des poissons ayant déjà disparu. 




 En regardant tant de vie sur les berges de la rivière, tant de joie simple, en entendant les éclats de rires des petits et des grands mais en observant ici pour la première fois tant de visages graves, un souffle de tristesse nous envahit. L'idée de savoir les périls qui menacent ces populations que nous cotôyons depuis la jungle de Ratanakiri, jusqu'aux abords des rivières venant du Nord, nous fait prendre la mesure des enjeux géo-politiques et environnementaux qui prédominent dans cette région  (comme dans d'autres régions du monde), et qui échappent à une simple vison bucolique de paysages de rizières!et de travaux des champs d'une autre époque. Ne sommes nous pas en train d'assister à la fin d'un Monde?
Puisse l'histoire à venir, et notre foi en l'Homme et sa possible sagesse, apaiser nos craintes!  
 
4/02:…..De Ban Lung à Stung Treng
Retour sur Stung Treng où les locaux nous précisent à plusieurs reprises que la route de Kratie est en mauvais état. Nous optons pour un transport par bateau de Stung Treng à Kratie.

Le voyage en musique